ACTUALITÉS

Ateliers pour enfants dans un grand magasin de la banlieue bordelaise

EXPOSITION U.F.O.L.E.A.

Il était habituel que le groupe girondin participe à l'élaboration de l'exposition U.F.O.L.E.A. qui a lieu chaque année à la Galerie des Beaux-Arts, en plein centre de Bordeaux.

Cette année, plusieurs camarades pensèrent qu'il serait bon que l'on participe à cette exposition, mais en essayant de sortir de son cadre traditionnel (forme de exposition lieu). Des contacts furent pris avec le syndicat des commerçants et finalement parallèlement à l'exposition dans la Galerie des Beaux-Arts où une était consacrée à la pédagogie Freinet des oeuvres des enfants de nos classes (peintures, sculptures, tapisseries, plâtres etc.) furent exposées dans les vitrines des commerçants du centre de la ville avec le macaron I.C.E.M. - Pédagogie Freinet.

Déjà, cette manifestation entrait dans le cadre de la sensibilisation de la ville au prochain congrès I.C.E.M. de Pâques 75.

KERMESSE PUBLIQUE

Dans la même optique, le groupe décida de participer à la kermesse de l'école publique qui se tient chaque année, au mois de juin, au Parc Bordelais. Dans cette kermesse non pédagogique (défilé de chars, stands style pêche à la ligne...) quelques copains du groupe installèrent des ateliers (peinture, argile, nombreuses activités artistiques...) où enfants et parents affluèrent jusqu'à ce que les matériaux viennent à manquer.

Il faut noter que cette kermesse du Parc rassemble surtout des enseignants et qu'elle présente pour les enfants un milieu privilégié (plein air, parc magnifique kermesse publique, etc.).

Notre participation à cette manifestation fut, semble-t-il, appréciée par nos collègues, surtout parce qu'elle apportait, par l'installation de ces ateliers, une note originale à la traditionnelle kermesse de l'école publique.

Déjà la kermesse du Parc, l’expo U.F.O.L.E.A. nous avaient permis de prendre contact avec la presse (radio locale : interview de deux copains pour l'expo ; journal local Sud-Ouest : le journaliste se consacrant aux problèmes d'éducation de la jeunesse avait suivi ces manifestations et avait écrit deux articles).

II nous était ainsi possible d'annoncer la tenue du prochain congrès LC.E.M.-pédagogie Freinet dans notre ville mais ces manifestations étaient bien loin du congrès et l'on ne pouvait penser que l'information serait suffisante pour l'annoncer. II nous fallait dès la rentrée scolaire, organiser une autre manifestation qui, plus proche du congrès, informerait, sensibiliserait le plus grand nombre possible à notre pédagogie. De nombreuses idées jaillirent : en ville, sur les trottoirs, dans un quartier populaire, dans une citée, dans une salle, sous le chapiteau...

Mais de toute façon une journée où les enfants de nos classes, de l'extérieur pourraient travailler dans des ateliers que l'on aurait préparés. Finalement ce fut le hall du grand magasin Rond-Point qui fut choisi pour le lieu et le mois de novembre pour la date. Déjà au sein du groupe deux tendances s'étaient dégagées : ceux qui voulaient par ces manifestations faire descendre la pédagogie dans la rue, « faire éclater l'école » et ceux qui restaient sceptiques, pensant que ces manifestations extérieures à nos classes n'étaient peut-être pas le meilleur moyen d'intégrer notre pédagogie à la population.

Cependant tout le monde s'attela à la tâche afin que la journée du 6 novembre au centre commercial Rond-Point soit une réussite !

LES CONTACTS :

Le directeur du magasin Coop (principal magasin du centre commercial) fut contacté, de même que le directeur général du centre Rond-Point. Ils reçurent une documentation sur notre mouvement et répondirent favorablement. Le mercredi 6 novembre fut la date choisie. Les mouvements amis : O.C.C.E., C.E.M.E.A. furent avertis. Sud-Ouest, la radio locale (qui annonça la manifestation), la télévision furent informés. Des affiches furent collées et distribuées, un tract tiré pour le jour même. Un photographe (connu du mouvement) est venu prendre des photos.

LES LIEUX - L'INSTALLATION :

Immense hall : des magasins se tenant de part et d'autre de cette sorte de grande avenue couverte. Nous nous sommes installés dans ce hall entre deux entrées.

Plusieurs ateliers furent montés :

* Bricolage (chutes de carton, matériel de récupération) ;
* Tapisserie (toile de jute avec tissus) à même le sol, les réalisations étaient ensuite épinglées sur des chevalets ;
*Peinture colorex, encre de Chine (panneaux électoraux, chevalets, tables), peintures terminées affichées sur de grands panneaux ;
* Argile (tables) : les objets réalisés étaient exposés sur des meubles vitrines ;
*Atelier expression écrite (machine à écrire, limographe) ;
*Atelier reportage-enquête : atelier mobile (magnétophone).

Une mini-exposition fut installée à chaque entrée : photos d'enfants au travail, citations de Freinet, peintures, céramiques.
Un tract fut distribué, précisant ce qu'étaient la pédagogie Freinet et les positions du mouvement vis-à-vis des conditions de travail.

LA JOURNÉE :

Le tout fut installé le mercredi matin et les ateliers ouverts à 14 h 30.

II y eut jusqu'à 18 h (heure à laquelle nous avons commencé à ranger) une énorme affluence. De nombreux enfants se sont d'abord pressés à l'atelier peinture puis aux autres ateliers. II en résulta une grosse production qui eut vite fait d'emplir nos panneaux et d'abaisser nos stocks de papier, peintures, terre, encre de Chine, colorex, etc.

Le maire de la banlieue où se situe le centre commercial s'est déplacé de même que le conseiller général : député socialiste de la circonscription.

Des représentants de l'O.C.C.E., des C.E.M.E.A, ont passé une partie de l'après-midi avec nous.

Le journaliste de Sud-Ouest a lui aussi passé un long moment à discuter, à s'informer. II a publié un article deux jours après.

1. ans cet univers capitaliste de consommation
2. les enfants réussissaient à se concentrer.
3. Difficile d'oublier cet enfant noir qui a passé l'après-midi avec nous
4. ces enfants s'absorbant dans leur travail...
5. dans le bruit, le tumulte, la foule
6-7 On a vu des enfants heureux se précipiter dans les ateliers...
8. des parents curieux, jamais agressifs
9. l'attitude des enfants il y avait  quelque chose d'authen­tique
10. L’ ambiance de travail n'a pas échappé  aux visiteurs.

Discussion entre quelques copains du groupe organisateur

Claudine Capoul, Monique Meynieu, Jacques Delair, Jackie et Georges Delobbe, Daniel Hervouët, Chantal et Alain Eyquem, Patrick Bassouillet, Yves Crouzel

- On a tout de suite vu des enfants ravis, heureux, se précipiter aux ateliers mais l'on a pu constater que les parents étaient contents de laisser leur gosse et d'aller faire leur marché.
- On n'a pas assez discuté avec les parents.
- II ne faudrait pas que les gens croient que nous faisons une pédagogie de loisirs. II aurait fallu organiser une table ronde avec les parents (ou même un forum).
- On a peut-être fait passer l'image d'une école où l'on s'amuse alors qu'il aurait fallu faire passer la globalité de notre pédagogie...

Et pourtant, c'était authentique !

- Pourtant dans l'attitude des enfants, il y avait quelque chose d'authentique. L'ambiance de travail n'a pas échappé aux gens qui ont vu les enfants agir.
- Le journaliste de Sud-Ouest a même remarqué que des enfants menaient une enquête sur le milieu et demandaient aux gens s'ils regardaient les étiquettes avant d'acheter par exemple.
- Et le photographe ! II a été frappé par la manière dont l'enfant se concentrait sur son travail. II était un peu sensibilisé, tous les gens ne l'étaient pas !
- On n'a pas situé les travaux, les ateliers proposés. Beaucoup d'expositions dans les congrès montrent l'oeuvre et non le travail qui enfante ou n'enfante pas l'oeuvre. Ce jour-là on a essayé de montrer le travail ! Et beaucoup de parents, comme le journaliste, comme le photographe ont été surpris par la volonté d'agir des enfants, par leur concentration, par la production, le nombre de peintures, d'argiles, etc.
- Certains parents d'ailleurs sont beaucoup intervenus au niveau de l'enfant, prenant le pinceau, etc. Par moment on avait l'impression très nette qu'eux aussi désiraient peindre !

Et après ?

- Une mère a demandé comment agir pour permettre à son enfant de faire de la sculpture (elle veut à la Noël lui acheter outils et matériaux). Bien sûr on a « fait passer le temps » à son gamin mais cette maman-là a semblé ressentir le besoin profond pour son gosse de faire de la sculpture.
- Et le directeur du centre ? Au début, il a vu la manifestation comme quelque chose d'intéressant, de nouveau. Puis il semble avoir réalisé qu'il se passait autre chose. Il nous a proposé un peu plus de place, il nous a présenté la responsable de la garderie qui a travaillé avec nous et qui a découvert une forme d'animation.
- On a vu aussi beaucoup de copains du groupe.
- II y avait beaucoup d'enseignants : ils nous ont posé de nombreuses questions techniques (comment récupérions-nous tous ces matériaux ? Où nous réunissions-nous ?).

Beaux à voir !

- Et les enfants ! Ils étaient heureux, ils étaient beaux à voir !
- On pouvait s'attendre bien sûr, à voir ces enfants travailler de cette façon, mais c'est tout de même surprenant de voir leur avidité, leur empressement, leur concentration.
- Des adolescents sont passés, repassés, ont plaisanté, puis finalement se sont installés à l'atelier peinture.
- Tous ces enfants étaient tout de même surprenants ! Dans le bruit, le tumulte, la foule, ils réussissaient à se concentrer, à oublier l'ambiance agressive environnante !
- S'ils étaient concentrés dans cet univers capitaliste de consommation, c'est un point positif pour les enfants. C'était peut-être ça notre idée première...

La place de l'enfant.

- L'enfant n'a pas de place dans la cité, on essaye de lui en donner une. Lui donner un trottoir, est-ce lui en donner une ? A Rond-Point, ce jour-là, il semble en avoir pris une. Cependant il vaudrait mieux faire un mini-congrès des enfants de nos classes plutôt que l'expérience de Rond-Point.
- Déjà dans notre mouvement d'École Moderne se créent des activités pour enfants, des rassemblements d'enfants tels que le congrès des imprimeurs. Ne pourrait-on pas envisager un congrès des enfants ?
- Dans le village, dans le quartier, dans la cité, des kermesses-ateliers pourraient se tenir et prouver notre existence hors et dans la classe...
Ces idées ne doivent pas cependant minimiser l'expérience de ces ateliers dans cette grande surface. II nous sera difficile d'oublier ces enfants surpris puis s'absorbant dans leur travail, ces parents curieux, pas toujours intéressés mais jamais agressifs, cette énorme production en trois heures de temps, cet enfant noir qui a passé l'après-midi avec nous, essayant toutes les techniques puis finissant par peindre directement sur tous les panneaux, dédaignant les feuilles sagement épinglées, ces adolescents prenant le pinceau et peignant des motos, ce petit gosse, au moment du départ et du rangement, nous tirant la manche et demandant : « A quelle heure je peux venir demain matin ? »

Notes rassemblées par Alain EYQUEM

 
 
 
 

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire