Plaidoyer en faveur du journal scolaire rendu aux enfants

Edith dit :

« Mgna, Z’ai zoué dans la sambr’ avé tous mes poupées. »

Nous écrivons, nous imprimons :

J’ai joué
dans ma
chambre
avec
toutes
mes poupées

Où est l’enfant ?
Où est son dire ?
Où se retrouve-t-il avec ses qualités et ses défauts…

NON, avec son originalité, ce qui fera que je le reconnaîtrai, que nous le reconnaîtrons, qu’il SE reconnaîtra et par là même qu’il s’amplifiera et s’il le veut, qu’il se corrigera, se transformera, évoluera.
Mais se verra-t-il dans ce texte expurgé, traduit en langage adulte ?

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- Triiivii… titi !
- Praaloulitoré ?
- Ri… Topacralette !

Lisez ça !
Comprenez si vous pouvez.
Où est le visage ?
Où sont les bras ?
Que font les yeux ?
Et la bouche ?

Où est l’expression TOTALE des enfants ?
Ah ! si vous étiez devant les enfants, vous comprendriez, vous seriez en communion, en communication. Le dialogue prendrait un sens.
En fait que prend-on de l'enfant ?
Que voit-on ?
Que publie-t-on ?
Quelle connaissance avons‑nous de ce qui est sa vie, son intérieur, sa moelle, par le travers d'une expression tronquée ?
En ça, le journal scolaire est un judas, un faux-frère. Pas plus que la peinture, il n’est l'expression TOTALE des enfants.
Alors, prétendre qu'il est le reflet de la vie de la classe n'est-ce pas faux ?
Où est le reflet de la vie de la classe dans une belle peinture, dans un beau monotype, dans un bel album ? Nulle part. Ils sont « expression », ou plutôt morceaux d'expression.
Nous le savons, nous l'admettons, nous ne prétendons pas communiquer avec. Nous ne prétendons pas juger de l'expression de tous les enfants à l'aide d'un seul document. Pourquoi osons-nous le faire avec le journal ? D'ailleurs le journal scolaire est mal nommé. S'il devenait « revue » il y gagnerait beaucoup.

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Un texte d'enfant c'est bien un morceau d'expression. Non ?
C'est un cri dans le babillage
C'est un geste dans le mouvement
C'est une note dans une chanson.
Une revue de classe devient un ensemble de cris, de gestes, de notes. C'est un rassemblement de « flashes » qui n'a d'unité que celle qu'on veut bien lui donner a posteriori.
En voulant donner trop d'importance à ce qui est si peu, si fragmentaire dans la vie de notre « écolier »,
         on dramatise
         on monte en épingle
ce qui n'est qu'un peu
ce qui est simple
ce qui n'est pas tout.

   

Repensons ces choses
Remettons tout à sa place, dans son contexte.
La langue écrite n'a pas l'importance dramatique que notre conscience d'instituteur déformé par son éducation traditionnelle nous impose.
Notre attitude serait plus saine, plus détachée des soucis d'acquisition, comme nous l'avons dans les ateliers « art enfantin ».
Notre culture serait moins rétrécie aux normes académiques et scolaires du langage fixé au XIXe siècle...
Nous deviendrions plus attentifs, plus accueillants, moins bornés, plus simples, moins savants...
                         Tout irait mieux.
                           Le texte libre,
                           la revue de classe
seraient une expression noble, bien du domaine de l'enfance, sans trop d'exigences adultes.
Nous connaîtrions l'élan vital à l'imprimerie,
                                                à ses annexes.
Nous ne serions plus à nous demander si l'imprimerie à l'école est encore utile de nos jours.
En fait ce qu'il faut chasser : c'est la scolastique, même celle du journal scolaire !

Jean-Pierre LIGNON

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