L’art pour quoi faire ?

Louis XIV à Le Nôtre devant les jardins de Versailles :

« Mettez-moi un peu d’enfance dans tout cela ! »

C'est la question que nous poserons ici et à laquelle en tentant chaque fois de répondre, nous  n’apporterons jamais de solution satisfaisante.

En garantissant cet inconfort et cette angoisse permanents, nous permettons en même temps la découverte d'un enfant vrai et d'un homme réel en marche vers leur humanité.

L'éternel (?) de lart commence avec le premier cri et s'inscrit, lisible déjà, dès que l’enfant s'exprime et dès que nous l’invitons à le faire.

PREMIÈRE DEFINITION

Dans le cadre de la pédagogie Freinet (voir la BEM « La Culture » n°46-49 à la CEL Cannes 06) la culture a été définie et reconnue comme étant un enrichissement dont la plus grande part n'est pas sociale, ni collective, ni historique mais davantage comme étant individuelle et personnelle. En aliénant notre conscience au passé nous infligeons ainsi une dichotomie à l'âme, nous sommes affectés d'un écartèlement entre ce qui, en nous, est du domaine intellectuel et ce qui est du domaine affectif.

Et ce n'est pas seulement le jargon de cette analyse (juste sans aucun doute) qui nous choque, mais aussi son résultat. En proclamant derrière Freinet que la VIE EST nous ne sommes pas prêts pour admettre quelque écartèlement, quelque dichotomie. L'Education s'adressant à un Etre unique se doit d'être unifiante (nous avons, à ce problème de l'unicité, consacré les travaux de tout un congrès : celui de Tours).

Sur cette base d'une recherche de la richesse au fond de chaque individu et par la confiance même que nous avons de la découvrir, cette richesse, et d'en faire notre miel, nous sommes dans le bon sens, dans celui dans lequel évolue notre époque : vers une individualisation, c'est-à-dire la disparition d'un instinct collectif primordial et tyrannique, comme a cru le voir Freud. A la place du joug tribal, ou nationaliste à l'extrême, patriotique tout au moins, se réinstalle, au fond de chaque individu, un instinct sûr et scientifique.

Cet instinct sûr et scientifique que nous croyons devoir reconnaître et respecter, c'est tout simplement l'apparition, la découverte, l'actualisation, l'affleurement de l'inconscient, la renaissance de l'inconscient.

   

Et l'inconscient c'est quoi ? C'est ce dont on n'aura jamais conscience ! C'est ce que nous apporte l'enfant et qui nous fait dire : « Mais où vas-tu chercher tout ça ? »

Ce sont les pulsions, les forces de l'être, toutes celles, positives et négatives, qui font que l'être grandit et monte (car on peut monter aussi vers l'Enfer), qui font que l'inconscient se fait écouter ! Et c'est aussi l'inspiration, toutes ces forces qui font que l'inconscient se fait entendre

SECONDE DEFINITION

A l'Ecole Moderne Française nous avons défini et reconnu l'éducation non pas comme une science des transmissions mais comme celle des révélations (nous ne devenons que ce que nous sommes !) C'est l'école traditionnelle qui, en misant sur le par coeur, sur la transmission et le décalque des connaissances qui se doivent de passer de l'éducateur à l'éduqué, fait de l'éducation une opération de remplissage, de transvasement, de bourrage. L'Ecole Moderne française, au contraire, tente de faire de l'éducation la science des enrichissements et des révélations. En prenant au départ, comme matériaux essentiels de son éducation, l'expression par l'enfant de ses émotions, de ses sentiments, de ses instincts, Freinet garantit à chacun le champ libre de ses expériences, à ses expériences. Par le texte libre, par le dessin libre, par l'expression orale, parlée ou chantée, par l'expression corporelle, jouée ou dansée, de l'enfant jusqu'à l'adolescent se réalise un grand mouvement de salubrité intérieure.

En laissant, dans l'être, suffisamment de place libre, place libérée des savoirs illusoires, place libérée des conflits intérieurs, nous permettons la construction solide d'un homme ensoleillé...

Tant que nous croyons savoir, nous ne pouvons pas apprendre. C'est ce que veut dire Freinet dans son dit de Mathieu « Ceux qui font encore des expériences... »

Qu'il y ait donc dans notre éducation une place ensoleillée, de longs moments où la révélation et la richesse intérieure prennent la place de l'enseignement des connaissances. Des moments où l'on n'enseigne pas afin de trouver des moments où l'on s'enseigne. Des moments où l'on fait sa place à l'homme dans sa nature. Dans ce retour à l'affectivité, et au inonde sensible de son expression, au monde de l'art, nous redécouvrons les moyens, les valeurs, qui permettent les renaissances.

L'art et la poésie nous permettent de nous ré-évaluer, de nous ré-orienter et de faire un pas de plus vers notre destin, vers ce qui est vrai. De nous éduquer.

MEB

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire