Benali, 16 ans, CEG Saitn Paul de Fenouillet
M.MARQUIE

J'écoute un chanteur, le disque se termine, il est changé et remplacé par un autre, très banal. Puis la radio ne m'intéresse plus, et je l'éteins nerveusement. je sors. Mes parents, mon frère me parlent, je ne réponds pas et enfourche mon vélo. Enfin, cette machine me détend. J'appuie de toutes mes forces sur les pédales, avale les descentes à folle allure, je prends des risques, mais peu importe, la griserie de cette vitesse hallucinante m'apaise. Je rentre, que faire ? La télévision ? non ! Je repars en courant, mais je m'ennuie. Je vais rendre visite à des camarades, il me semble que je vais être heureux. Je passe une demi-heure avec eux, puis les laisse. Ils me disent en riant : « Qu'est-ce que tu as ? » Eux qui ne pensent qu'à s'amuser. Je réponds sèchement : « Rien. » Il y en a un qui se moque de moi. Je l'apostrophe, je veux lui taper dessus, mais laissons-le. Peut-être qu'un jour il comprendra que la vie nous apporte peu, et que très souvent, il est dur de vivre, de trouver le bonheur. Je marche lentement, puis je cours, je franchis d'un bond les barricades, je grimpe aux arbres, à une hauteur vertigineuse, d'où si je tombais, je m'écraserais comme un oeuf. Enfin, le calme revient en moi, et je réfléchis.

En effet, depuis quelques mois je suis ainsi, la proie de la colère, de la haine et de la violence. je veux me battre au moindre reproche, je ne réponds que sèchement à mes parents. Je me dispute avec eux. Mais je m'éprouve, je pèse mon coeur, mon caractère. Ces temps-ci, mon coeur est ouvert, il saigne, car on me comprend mal. Les disputes éclatent, je réplique et ne lâche pas d'un pouce, surtout si je peux avoir raison. Lorsqu'on me contredit, lorsque deux générations se heurtent, je préfère m'éloigner, car je dois le respect aux autres. Alors, je m'élance dans cette nature que je considère comme ma soeur. Mais je suis un misérable, car si un obstacle me résiste, je le renverse, j'essuie une sourde colère sur lui, comme un lâche. J'avance, comme un fou, puis épuisé, je m'assois.

Je voudrais avoir à. mes côtés un ami qui me soulage, ou une fille que j'aime, qui m'aime et me comprenne. Je ferme les yeux, je te vois qui te détaches de la foule, tu ne ressembles qu'à moi, tu connais les mêmes ennuis que moi. Alors, un jour on se connaîtra, on partira main dans la main, insouciants, on s'aimera. On s'éloignera le plus possible du monde hostile ; dans un bois, une clairière où chanteront les oiseaux, où hurlera le vent qui mêlera nos cheveux, on parlera longtemps, on pleurera, mais quand nos regards se croiseront, nos doigts se serreront plus fort. Enfin, après des heures, des jours, on reviendra à la ville. Bien sûr, les gens diront : « Tiens, voilà les fous ». Mais nous avancerons en les haïssant, têtes baissées vers notre destin. On ne leur parlera même pas, car ils ne comprendraient pas que pour nous, l'amour peut passer par le contact de nos doigts, par le vent, par le cri d'un oiseau, par une feuille qui tombe en se mourant.

Yves, 16 ans, CEG Olliergues (63)

   

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