Lise, 15 ans, Mme Balesse

C'est la rentrée de septembre.

Voici Lise en internat : l'oiseau derrière les barreaux d'autant plus serrés que, habituée à la liberté, Lise se trouve, d'un seul coup, élève en quatrième année dans un lycée traditionnel.

Elle avait appris à lire dans une classe pédagogie Freinet, puis fréquenté une autre école travaillant plus ou moins dans le même esprit.

Freinet nous disait de faire briller le soleil et qu'une petite lumière restait au fond du coeur pour toute la vie. « ... Ils parlent. Parce que nous leur avons donné la parole, parce que nous leur avons appris la dignité de leurs pensées et l'éminente portée de toute sensibilité qui éclate et déborde. » (Les Dits de Mathieu.) Il en fut ainsi.

Lise, orientée vers sa libération grâce à la pratique de l'expression personnelle et de la libre création, a trouvé la brèche pour écouler son chagrin et manifester sa contestation. Choquée mais faisant face, elle a écrit, elle a dessiné, allégé son gros coeur et adouci sa révolte. Ses albums nous racontent ses difficultés.

« Pendant la leçon de latin, en regardant le professeur qui parlait, je pensais à un tas de choses ; je formulais dans ma tête ce que j'aurais voulu écrire. En sortant du cours, vite, sur un bout de papier, je notais. A la leçon suivante, je choisissais une place au fond de la classe et je crayonnais les dessins... en écoutant ! Le soir, à l'étude, l'album était terminé. »

En l'espace de deux semaines, quatre albums sont nés ainsi. Le samedi, Lise les apportait à la maison tout à fait achevés, écrits et illustrés à l'encre de Chine. Aucune part du maître donc. Le ton est direct, la forme et les lignes sont dépouillées : il faut que ça sorte vite, que ça soulage ! et la tourmente passe. L'apaisement ramène un certain équilibre. Lise est active, consciencieuse et ses résultats scolaires restent très appréciables.

Les dessins, la disposition du texte, nous communiquent une suite d'émotions confiées aux pages en des, moments de sensibilité extrêmes pendant lesquels l'enfant descend au plus profond d'elle-même. Aurait-elle pu ainsi traduire ce qu'elle ressentait si déjà à 5, 6, 7, 8 ans elle n'avait pris conscience de la possibilité de s'exprimer par ses propres moyens ?

Le 2 février, après une leçon de dessin c'est : Le cheval de la liberté ;

Le 4 février, une surveillante réprimandé Lise : « Tu me fais attraper des cheveux gris » lui dit-elle : Cheveux de nuit, cheveux de pluie ;

Le 11 février : La mer ;

Le 12 février : Le petit chat de mon coeur.

Lucienne BALESSE

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