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Chers camarades,
Achetez le n°11 (septembre 1969) de Grands Musées que fait paraître Hachette au prix de 9,90 F. Il vous présente la Tate Gallery de Londres.
Vous admirerez la reproduction de la couverture, et puis vous l'ouvrirez à la page 47. C'est « la Femme en chemise » de Picasso.
Mais comment donc a-t-il fait ? Commenta-t-il pu oser ces bleus et ces verts ? Ce n'est pas seulement de l'audace, c'est aussi une réussite. C'est en allant de ce bleu à, ce vert et de ce vert à ce bleu que notre esprit transpose et recrée toute la vie de cette femme.
« Je ne cherche pas, je trouve. Ainsi a dit Picasso. Ainsi faisaient mes élèves. Je revois Mireille et Josette discutant à, l'atelier de monotypes. Mireille venait de commencer la queue d'un oiseau d'un trait rose vif :
- Voyons, qu'est-ce que tu mettrais là, à côté de ce rose ?
- Eh bien je vais préparer un vert pâle, oui, avec beaucoup de blanc. Et puis, de l'autre côté, j'ajouterai du lilas clair. Moi, j'aime le lilas. Ça fait très bien avec le vert et le rose. Surtout si on a un peu de jaune pâle, mais pas trop.
Aussi ai-je été désemparé hier, devant l'atelier de peinture tout neuf installé dans ma classe de ville et autour duquel évoluaient quelques enfants. Bien vite apparurent les tristes dessins habituels : un trait marron en bas pour la terre, une maison tirée au cordeau, un grand jet de fumée d'un noir d'encre barrant la page d'un autre trait horizontal ; un troisième trait horizontal en haut, pour le ciel.
J'ai demandé :
- Pourquoi as-tu fait le bas marron ?
- Parce que la terre, c'est marron.
- Ah...
Et j'ai pensé à toutes les beautés que cachait le stéréotype ;
Et j'ai pensé à toutes les idées qui surgissent du bleu-vert de Picasso.
J'ai continué :
- Pourquoi as-tu choisi ce bleu pour le ciel ? Je le trouve un peu crû, tu sais ?
- Bah, c'était le pot le plus près
Et j'ai pensé à toutes les déceptions que pouvait cacher ce cynisme. Et j'ai pensé à toutes les belles paroles que Picasso a dites à propos de la peinture...
Vous en trouverez dans la BT n°676 ...
Voici celle de la page 19 : « Les vrais tableaux, si on approche d'eux un miroir, ils devraient se couvrir de buée, d'haleine vivante, parce qu'ils respirent. »
Alors je me suis dit : « Emmène-les vite voir les beautés de la terre pour que fondent comme neige au soleil les stéréotypes :
Terre : Trait marron,
Herbe : Flaque verte,
Ciel : Plage bleu foncé 3 cm bords supérieurs de la page.
Il sera toujours temps plus tard de revenir à l'atelier de peinture. »
Et n'oubliez pas de regarder les autres pages de reproductions de la Tate Gallery. Vous y trouverez matière à, délectation, à, réflexion, à critique. Vous pouvez même, bien entendu, les montrer à vos élèves. Elles ne contiennent rien de licencieux...
J. CAUX