LA PETITE FILLE AUX MARGUERITES

GEMMAIL

Il a fallu aux organisateurs du Congrès de Tours à la fois beaucoup d’audace et de confiance dans les œuvres de nos enfants, pour se présenter devant M. Malherbe-Navarre le maître de la cité du Gemmail. Mais l’accueil de cet artiste fut enthousiaste ; il choisit un tableau de Joëlle, 10 ans, de Saint-Rémy, et le baptisa tout de suite « La petite fille aux marguerites ». Les grands yeux qui s’ouvrent comme une pâquerette dans un matin joyeux, les nuances délicates et subtiles des lavis utilisés, la sensibilité et le bonheur qui s’en dégagent, séduisirent immédiatement M. Malherbe qui vit déjà l’éclat de la lumière derrière cette fraîche peinture d’enfant libérée. Si je parle un peu, très peu, de technique de gemmail ici, ce n’est pas pour que vous tentiez l’expérience. « Un Art nouveau est né » a dit Picasso, mais Art réservé à des adultes et à des adultes qui ont longuement et scientifiquement cherché ce moyen d’expression qui tient du vitrail, avec plus de densité toutefois. Roger Malherbe-Navarre devait tâtonner avec le peintre Jean Crotti, « le fou de la couleur », avec son père et son frère, physiciens tous deux, avec son fils docteur. Les premières manifestations des Gemmaux eurent lieu en 1958.

Les artistes travaillent sur de grandes plaques de verre éclairées en dessous. Ils taillent, juxtaposent ou superposent des fragments de verres multicolores, jusqu’à obtenir les gammes de la palette. Un adhésif très léger fixe provisoirement les morceaux et si le maître d’œuvre n’est pas le créateur mais l’interprète, il fait venir l’auteur pour avoir son accord et l’ensemble est alors porté dans des étuves après avoir été noyé dans un émail limpide qui liera le tout.

Les gemmaux sont naturellement des pièces uniques et nous sommes, à l’Ecole Moderne, fiers d’avoir su tenter le Maître gemmiste, fiers et aussi très reconnaissants, car M. Malherbe nous a offert cette œuvre de grande valeur.

« La petite fille aux marguerites » a pris place, un soir, dans la gemmacothèque de Tours, près des œuvres de Picasso, de Braque qui s’écria un jour « Si j’avais trente ans, je serais gemmiste ! », de Matisse, Rouault, Van Dongen, Gromaire, Jean Cocteau « Un nouveau visage de beauté », a-t-il dit…

Et notre petite Joëlle, conviée au vernissage avec quelques-unes de ses compagnes, avec ses maîtres, J. et B. Monthubert, était la transposition vivante de cette petite fille aux marguerites. Elle avait, parmi les personnalités, sous les flashes de la télévision, la même simplicité, les mêmes grands yeux fleuris de tendresse.

Le gemmail fut une très belle pièce de notre exposition de Tours. Les visiteurs furent étonnés et admiratifs, de même qu’à Orléans, à Sartrouville et à Blois. Beaucoup posèrent des questions ; j’espère ici, satisfaire leur curiosité.

Un éclat de joie d’enfant a lui dans « l’Art de Lumière » et nous remercions M. Malherbe-Navarre de l’avoir aimé.

JEANNE VRILLON

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