LES TAPISSERIES

Je ne sais si vous avez remarqué comme nous l’abondance, la variété, l’originalité des tapisseries dans les expositions du congrès de Tours.

Nous voici arrivés maintenant à une explosion de techniques qui est bien le fait de l’expression libre. Nous n’avons jamais précisé les techniques ; chacun a travaillé selon son tempérament et les trouvailles sont vraiment nombreuses et suffisamment variées pour que l’on puisse sans danger de sclérose en donner ici quelques-unes. Toutefois laissez les enfants inventer encore et varier.

APPLICATIONS SOULEVÉES OU EN RELIEF

Au lieu de coudre à plat, pourquoi ne pas donner du relief en décollant cheveux, jupes, nœuds, cravates ? Avez-vous remarqué aussi les bijoux d’une tapisserie de St-Rémy ? car les détails peuvent être des objets : boutons, perles, colliers, etc.

Mais je voudrais m’arrêter sur la tapisserie de Lievin : la belle famille et lui donner comme à Tours un éclairage particulier. La mère et l’enfant en relief total puisque le bébé a été posé dans les bras de la maman par la sollicitude de 3 petites d’un C.P. Rien n’est trop beau pour le petit qui vient de naître : du satin blanc, de la dentelle qu’il ne faut pas ternir et des yeux de perles fines ; pour la maman qui porte son précieux bien, une belle jupe de mousseline décollée par un soutien de crin, des cheveux de soie détricotée… Là, tout est tendresse !

Clem Berteloot, en m’envoyant cette tapisserie, a noté : « Elle a demandé de longs tâtonnements ; la démarche d’esprit qui préside à l’élaboration d’une telle technique n’a rien à voir avec la peinture, mais elle révèle un sens aigu des masses colorées. Il n’y a pas de résultats fortuits, ils sont tous bien pesés. »

LES TAPISSERIES APPLIQUÉES

On peut partir d’un dessin réussi et chercher à réunir les tissus qui se rapprochent des couleurs du dessin. Plus les tissus seront variés de texture, plus la tapisserie aura de relief. Pour un museau de cerf aux bois fleuris, un petit de 6 ans a remué les chiffons de son sac pour en extraire le doux velours brun d’un chaud pantalon de bûcheron. Et c’est la petite main sensible au velouté du tissu qui a décidé du choix ; J’ai ici des tiges faites d’un tulle vert pâle qui, appliquées par de longs points couchés de laine blanche, donnent un beau relief sur le fond de tapis de billard au vert accentué. Ce taffetas est un beau ciel lisse de l’été, tandis que la dentelle blanche étoile délicieusement les yeux d’un éblouissant soleil rouge, et le morceau de fourrure fait à merveille la toison d’une chèvre.

Le dessin n’a pas besoin d’être reproduit fidèlement : il sert de point de départ.

Les fonds ? Ce que vous aurez naturellement ! Nous avions à Tours un feutre, rouge (le soleil de Lurais), une rabane noire (Lurais encore), une belle toile ancienne blanche : le bouquet précieux, la galopade des chevaux (Nohant-Vicq ; Chinon), la toile de jute ivoire de la tapisserie Val de Loire ; le dessus de coton blanc très pur du dessus de lit de St-Rémy, le jute naturel de la grande fresque de Basses-Fontaines.

Les points de couture ont aussi beaucoup d’importance pour appliquer les tissus. Laissez les enfants, là encore : ils trouvent du vite fait qui apporte souvent un charme supplémentaire à la tapisserie d’application. S’ils ont à leur disposition des laines, des cotons et soies multiples (les fonds de tiroir en font les frais), vous verrez les petits coudre à grands points des tissus qui s’en trouvent tout auréolés ; ne serrons surtout pas ! Vous auriez conseillé un point d’ourlet invisible ? Vous auriez eu tort !

Ces tapisseries d’applications peuvent être brodées et rebrodées de détails. L’essentiel pour cette technique très riche de possibilités c’est d’avoir à sa disposition des chiffons nombreux ; mais, en utilisant ce que les petits vous apportent avec tant de joie, vos boîtes et sacs se rempliront très vite. Les mamans couturières, les soldes et liquidations vous permettront ces merveilles.

LES TAPISSERIES DE BOUCLETTES

Un fond de jute pas trop fin (ce qu’on nomme communément la toile à sac) fait très bien l’affaire. Il faut une aiguille à bouclette, dite aussi pic-pic, que l’on trouve dans les merceries ; un cadre pour tendre et des laines ou des cotons.

Le dessin est fait ou reporté à l’envers à la craie ou au feutre. Et en avant le pique-nique ! Les nerveux y trouveront le calme pour une demi-heure. Surtout, que ce soit un travail d’équipe : garçons et filles s’y succèderont avec plaisir.

Les belles réalisations de Basses-Fontaines ont soulevé de l’admiration : Le soleil multicolore à la tête du lit, l’oiseau bleu s’élançant vers un soleil de feu, la dame couronnée.

La nouveauté, peut-être, ce fut la tapisserie du dessus de cheminée de Crouy-Orchaise, où seules les lignes des dessins (de beaux arbres) ont été piquées, se détachant en sienne, blanc et noir, sur le fond de jute naturel, suivant le « carton » sur kraft. Et la collaboration de deux classes, l’une qui a conçu, l’autre qui a exécuté est ici remarquable.

LES TAPISSERIES BRODÉES

Nous en avons obtenu d’extrêmement variées :

a) En fils tendus au grand point de reprise de 3 ou 4 cm et un fil pris dessous avec des directions variées dans le sens du dessin. Il suffit de contrarier les points pour donner le relief sur un fond tendu dans un autre sens. Pour ce genre de travail il vaut mieux aussi clouer sur un cadre et prendre un gros canevas ou de la toile à sommier.

b) En gros points de chaînette : Nous en avions exécuté une avec 4 brins de laine et des points de 2 cm faits avec la plus grosse des aiguilles à repriser. Les enfants avaient rempli les masses en tournant, à la manière des Egyptiens, toute la surface de sac recouverte.

c) En graphismes seuls : Le dessin est fait d’une grosse cordelière de laine tordue, cousue sur une toile bleue, très simple d’exécution, et très pure d’aspect.

Pourquoi ne pas employer des galons, ou des ganses ?

d) En broderie pleine : Le beau morceau de Bouresse, dans lequel les masses entièrement brodées de points lancés de divers sens donnent une impression de richesse très grande. Et nous avons le souvenir ému de la tapisserie de l’école Freinet ainsi brodée. C’est peut-être la manière la plus somptueuse des techniques de tapisseries.

Jeanne VRILLON

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