De vrais ouvriers

Jean-Claude est à l'atelier plâtre. Mais il bougonne : « Le ciment, c'est beaucoup mieux! On peut en faire sur les murs. » Personne ne répond.

Mais deux jours après, Jean-Claude arrive avec un sac de 25 kg de ciment. Il n'est pas question de retenir « la ruche » autour d'un calcul ou d'une poésie... Et puis, d'ailleurs, Jean-Claude a commencé. Le sac est vidé à moitié. Du cartable sont sorties deux vraies truelles : « Ce sont celles de mon grand frère. Il les prête. J'ai promis qu'on les rendrait propres et bien grattées. »

- Mais je ne sais pas faire le ciment, moi, hasarde la maîtresse.

- Mais moi je sais, répond Jean-Claude. Je m'en charge. Vous regarderez et comme ça, vous saurez.

Et avec les gestes sûrs d'un ouvrier attentif, avec un sérieux qui nous surprend de lui, notre « patron » fait le ciment.

- Ben alors ! Restez pas là à me regarder, maintenant. Allez, faites-moi des trous dans ce mur, avec les burins, et mouillez ça pour que mon ciment prenne !

   

Nous obéissons et quand tout est bien piqué et mouillé, Jean-Claude déclare : « Vous pouvez y aller. Faites ce que vous voulez, mon ciment est bon à présent. »

Je contemple mon équipe au travail. Qui de la truelle, qui de la main, avec un geste de maçon, on lance au mur des paquets de ciment. On gratte ici, on rajoute là. Je distingue une tête de dame avec un collier de petits cailloux et des cheveux bien coiffés en bandeaux.

Tiens, qu'est-ce qu'il fait ici, Michel ? Il ajoute un morceau de poterie en guise de chapeau.

Et celui-là ? Il lui fait tenir, à sa dame, un pot de céramique, celui qui s'est fissuré l'autre jour à la cuisson.

Et ça ? Un soleil au rire épanoui ! Puis un coq à la démarche conquérante.

Et les petits, que font-ils, à genoux par terre ? Ils se sont emparés de morceaux de poutre et de traverses et c'est dessus qu'ils ont étalé leur ciment, qu'ils le gravent, le palpent, le décorent, tout à leurs réflexions.

Mais la maîtresse n'avait pas assez réfléchi. Le lendemain, la surprise inévitable des fendillements dans les personnages faits sur les poutres, a troublé un peu la réussite. Allons... c'est le métier qui entre !

La prochaine fois, on se rappellera qu'il faut mettre un journal avant de commencer, entre le bois et le ciment. On pensera à rajouter un peu plus de sable et à mettre des gants.

Mais chaque matin, on se retrouve avec sa fresque. Elle est solide, sur son mur de la cour. Et le sourire de Jean-Claude qui a commencé à se prendre au sérieux depuis ce jour-là, n'est-ce pas surtout cela qui compte ?

L’atelier de tapisserie

L'atelier tapisserie n'est jamais délaissé par les enfants.

L'étoffe est un matériau très différent du papier

Aux plaisirs de la vue, s'ajoute le plaisir du toucher. La douceur, la souplesse des étoffes a quelque chose de commun avec le pelage des animaux familiers que l'on caresse, avec le velours du nounours que l'on dorlote. Les contrastes des tissages, les brillants, les différences d'épaisseurs touchent aussi la curiosité des petits.

Chez nous, nous faisons des tapisseries directement à partir des bouts de tissus. On ne recopie pas un dessin de peinture qu'on a particulièrement aimé. On invente la tapisserie pour elle-même, à l'aide des étoffes.

Un grand morceau choisi pour le fond (en général de la rabane ou du jute, parfois de la feutrine) et les enfants, à trois ou quatre, selon la taille du fond choisi, décident en commun du sujet qu'ils vont traiter.

Les tissus que les parents nous donnent sont repassés à mesure qu'ils arrivent, et rangés dans des boites en carton. C'est une fillette du C.E.1., qui, trouvant qu'il lui fallait trop de temps pour chercher l'étoffe qu'elle voulait, s'est proposée de tout classer : les rouges, les bleus, les imprimés, les dentelles, etc.

 

   

Il est donc facile de discuter ensuite de « la palette », en approchant tour à tour chaque bout de tissu du fond de tapisserie.

Puis les ciseaux travaillent. J'ai vu quelquefois les plus jeunes tracer à la craie avant de couper. On épingle et on se recule pour juger et critiquer afin d'arriver à l'équilibre et à la bonne organisation des surfaces.

Il ne reste plus qu'à coudre. Grands points. Petits surjets. Drôles de points de chaînette pas du tout conventionnels. Les camarades qui veulent aider à coudre se joignent, à volonté, à l'équipe créatrice.

On rajoute ici, à profusion, une laine de couleur chaude qui garnit si bien ce creux d'arbre, là un reste de dentelle pour une aile d'oiseau, une fermeture éclair ouverte pour les antennes d'un papillon. Et cette ficelle toute emmêlée sera collée en guise de cheveux.

Il faut repasser. On s'y dispute la place. Ce petit bruit de l'eau de la patte-mouille, ce vrai fer électrique, vous installent un tout petit dans le rang sérieux des adultes.

Il ne reste plus qu'à trouver une belle place au mur pour y suspendre le travail. A moins de l'offrir aux correspondants ?

Mme JUGIE

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