FEU FOLLET

A la bergerie, il y avait un petit mouton à la toison blanche, le plus fou et le plus gâté du troupeau. On l'appelait Follet.

Mais un soir, le berger est rentré sans le petit mouton.

On l'a cherché longtemps à la lanterne et on l'a retrouvé tout seul, tout froid : il était mort. On l'a enterré derrière la Fraie et on ne s'est plus soucié de lui...

Mais dans les nuits chaudes de l'été, une lumière dansante et follette court maintenant le long du ruisseau, suit les courants d'air, visite les marécages. C'est Feu Follet qui rôde…

- Oh ! ça brille là-bas !...

- Regarde, Feu Follet court vers le pont... II enjambe les saules, les touffes de roseaux... Mais non, c'est une simple lanterne de veilleurs qui passent...

Belle occasion pour Feu Follet d'approcher les hommes. II saute sur le pont... Robinson qui porte la lanterne tremble comme la flamme d'une bougie dans un courant d'air...

- Aïe ! Le Feu Follet !...

Ce cri fait fuir Feu Follet et pourtant, il voudrait tant avoir une compagnie ! C'est bien triste de faire peur à tout le monde et de n'avoir pas d'amis.

- J'effraie tout le monde et pourtant, je ne suis pas méchant. Une idée : je vais essayer de me trouver un habit. Je serai moins libre mais j'aurai plus chaud et puis, je ressemblerai à tout le monde.

Aux abords du village, Feu Follet trouve une poupée en caoutchouc abandonnée. II s'installe dedans... Et c'est ainsi que toutes les nuits, une poupée danse au fil de l'eau, au-dessus des étangs et des mares...

Un soir l'Errant vient à village chercher une commission.

- Oh ! diable ! Qui sont ces deux perles qui flottent au-dessus de l'eau ? Un oiseau sans doute, mais pas un bruit d'ailes...

L'Errant arrive chez l'épicière, achète un savon et s’en va d’un bon pas… Mais, arrivé près de la Fraie, les deux yeux sont là qui l'attendent. Ils le suivent... II galope : les yeux galopent avec lui. L'Errant arrive à la maison tout essoufflé.

- Dans la nuit, dit-il, une bête me siuvait … Elle avait des yeux de feu

- C'est un chat sans doute.

 

   

- Elle volait au-dessus de l'eau...

- C'est des idées.

Et l'Errant reste rêveur.

Toujours seul et triste, Feu Follet rôde autour des maisons. II colle un oeil à la vitre. II aurait envie d'entrer, d'écouter parler les hommes... Mais les hommes auraient encore peur.

II repart, trouve un vieil arbre et s'y installe. C'est le domaine du Hibou.

- Lou-iou ! Qui es-tu ?

Feu Follet ne répond pas. S'il parlait, l'autre s'en irait.

- Lou-iou ! Tu as pourtant des yeux d'oiseau de nuit ! Lou-iou ! Es-tu muet ?

Las de questionner, le Hibou s'envole.

Feu Follet reprend sa ronde. II s'approche d'une pauvre chaumière et par la lucarne, il regarde furtivement : une vieille femme, Lisa, manoeuvre la mèche de sa lampe.

- Ça n'éclaire pas ce soir, dit-elle. Je vais être obligée de me coucher.

   

Tandis qu’elle dort, Feu Follet a une bonne idée : il passe par la cheminée et il s’installe dans la lampe. Ca éclaire cette fois-ci dans le verre et dans le réservoir. Quand Feu Follet est trop mal à son aise, il s’étire, s’agite, et la flamme s’allonge jusqu’au bout du tuyau.

Le matin avant le jour, la vieille Lisa s’éveille.

- Tiens ! Ma lampe est allumée ? Et elle éclaire bien. Hier, pourtant, elle était vide... Je n'y comprends rien... Enfin, elle éclaire, c'est tout ce qu'il faut...

Lisa se lève, remue les cendres, attise la braise. Le feu flambe, le café chauffe Toute joyeuse, elle chantonne, va, vient... De temps en temps, elle regarde sa lampe..

- I1 n'y a pas à dire, elle éclaire bien... II semble que je retrouve mes yeux de vingt

Elle prend son tricot, pose la lumière près d'elle, au coin de la cheminée. On croirait la maison envahie de soleil... Lisa distingue toutes les mailles de son ouvrage. Plus de danger de les laisser échapper! Ses doigts sont plus agiles, ses pensées moins tristes. Elle parle tout haut comme si quelqu'un était là pour l'écouter :

   

- De mon temps, les lampes flambaient moins bien ; mais on avait de bons yeux. Les belles veillées que nous faisions, les bonnes parties de rire !

Et de dire et de raconter et de rire aussi, de si bon coeur que Feu Follet se retient de sortir de la lampe pour danser et voltiger autour d'elle...

C'est ainsi que Lisa, la pauvre vieille solitaire et Feu Follet sans compagnie sont devenus, pour toujours, de bons amis.

École de Naves

Corrèze

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