Claudie, 10 a., Ecole de Dt-Rémy-sur-Creuse - Vienne
M.Monthubert

Le rôle du Maître

Dans l'oeuvre éducatrice, on l'a senti, l'influence de la personnalité du maître est considérable. Trop évidemment, cet aspect ne saurait qu'être à peine esquissé ici. Pourtant, il faut retenir comme règle générale « on est éducateur bien plus avec son inconscient qu'avec la partie consciente de sa personnalité ».

Jaurès disait à peu près la même chose :

« On n'enseigne pas seulement ce que l'on sait ; on enseigne ce que l'on est ».

Le maître lui aussi, est le produit complexe d'une hérédité, d'un milieu socio-économique et d'une éducation. Sans en avoir conscience, dans son enseignement, il réagit affectivement. Et ses réactions peuvent être parfaitement inadéquates à cause d'un conditionnement défavorable, acquis dans son « passé-vécu ». Georges Mauco précise même que, dans certaines circonstances « il y a contre-transfert de l'adulte à l'égard de l'enfant ».

D'où la nécessité d'éducateurs possédant une hygiène mentale suffisante puisque toutes les inhibitions affectives, les difficultés de comportement, peuvent peser lourdement sur le milieu scolaire que le maître entraîne.

La notion d'hygiène tend à s'affirmer et se développer. Elle est depuis quelques années à l'ordre du jour à l'Unesco (1) Sous un angle particulier, elle vient de faire l'objet des préoccupations d'un auteur pédagogique, M. Max Marchand (2). Dans son ouvrage Hygiène affective de l'Éducateur, il estime insuffisante, sous le rapport d'une Psychologie concrète, la connaissance approfondie de l'enfant si l'on ne possède pas, dans le même temps, une connaissance du maître à qui il est confié.

Aussi l'auteur s'est-il proposé (comme Inspecteur de l'Enseignement Primaire, ses observations n'ont que plus de poids), d'étudier quelques « couples éducatifs » « maître-élève », où la confrontation des caractères explique soit l'attirance soit la répulsion que le maître et l'élève éprouvent l'un pour l'autre.

   

 

I1 conclut à l'indispensable formation de maîtres qui sauraient, à la faveur d'une sérieuse préparation théorique et pratique, se préoccuper du domaine affectif de leurs élèves, l'éducation est facilitée dans la mesure où l'éducateur, qui a enrichi sa personnalité : « prend conscience de cette idée qu'il est un éducateur pas comme les autres, en face d'un enfant qui ne ressemble à nul autre ». (p133)

L'éducation de l'enfant suppose donc une éducation parallèle et personnelle du maître. En effet, l'enseignement qui se cristalliserait en un personnage d'une formule donnée, ne serait pas en mesure d'accomplir la fonction complexe qui est la sienne. Celle de médiateur des connaissances exige un minimum de culture élevé qu'il doit enrichir sans cesse. Ce qui implique une curiosité d'esprit toujours en éveil qui l'engage à dominer son propre savoir pour dépasser le stade de la description et de l'observation, afin d'élever ses disciples de l'intention à la réflexion, de la chose concrète à l'idée abstraite, pour utiliser ensuite le concret à l'expression d'une vérité bien assimilée et comme dit G. Galichet : « consciemment vécue »(3) Pour obtenir ce résultat hautement souhaitable, le maître doit gagner la confiance de l'élève en amorçant un indispensable courant affectif, source permanente de motivation. En ce qui concerne la construction de la personnalité de chacun des composants d'une classe, le maître n'oublie pas que, telle qu'elle se présente d'emblée, cette personnalité est « le reflet du milieu social où il (l'enfant) se développe et de l'activité qu'il y déploie... Ses apports originels ne forment que la partie brute et indéterminée qui reçoit ses déterminations du milieu social et de l'éducation » (4) (A. Fabre).

Selon le même auteur, créer une personnalité revient à « élaborer progressivement des conduites cohérentes suscitées par des motifs conscients et volontaires ».

Là, le maître est le médiateur de l'humain révélé à l'enfant, à travers lui, par le truchement de l'identification normative et par la classe considérée dans son unité. Le maître doit rendre consciente cette unité parce qu'elle est « faite d'une communauté de but et de moyens »

Tout en constituant ainsi sa personnalité, l'élève évolue vers le stade de la coopération et d'une certaine oblativité. Coopération avec ses pairs comme avec le maître de qui il apprend l'échelle des valeurs.

Si l'essence du processus éducatif est l'attrait qu'exerce sur l'enfant l'image de ce qu'il veut devenir, si cette image est à la fois, précise, accessible et élevée, elle suscitera chez lui, désir et volonté de la réaliser.

Ecole de Lausanne, 2ème année
M.Yersin

   

Anne-Marie 11a. 7m - Ecole de Courlay
M.Forgeard

 

Cette image sera créatrice de conscience en soi, donc de personnalité.

La volonté de se réaliser, avec la persévérance et la maîtrise de soi, tout est là.

Ainsi, le but essentiel, suivant l'optique de l'éducation moderne tendra à la culture de la volonté que Piaget range parmi les tendances supérieures (5)

Les intérêts spontanés de l'enfant, par l'intermédiaire de l'éducateur qui organise l'activité intellectuelle, affective et morale dans le milieu scolaire socialisé, se transforment peu à peu en intérêts définis. Le moteur essentiel étant, nous le sentons bien, l'affectivité qui, parallèlement acquerra son épanouissement et son équilibre dans le même temps. Les connaissances, dont une certaine masse est indispensable, s'intègrent peu à peu, en fonction des possibilités congénitales de chacun.

L'éducation affective, morale, l'éducation sociale (qui est autre et mieux que l'instruction civique), l'éducation intellectuelle, pour tout dire la complète socialisation de l'enfant, ne se réalisent dans une classe structurée socialement que grâce à l'art pédagogique et par la personnalité du maître.

C'est la grandeur de notre métier, bien qu'elle soit généralement mal perçue ou ignorée du public et des parents.

M. PIGEON
Docteur en Psychologie

(1) W. D. Wall : Éducation et santé mentale, Éd.. Unesco, Bourrelier, Paris 1953.

(2) Max Marchand : Hygiène affective de l'Éducateur, PUF, Paris 1957 (Nouvelle Encyclopédie pédagogique).

(3) G. Galichet : Du mauvais usage des mé­thodes actives, in Journal des Instituteurs, n° I1-1948

(4) A. Fabre : Pour l'Ere nouvelle, n° 8-1951 p. 1 à 16, Revue du groupe français d'Éducation Nouvelle

(5) « On peut concevoir la volonté comme la régulation des régulations élémentaires ». Piaget : Cours de Sorbonne 1954, p.2

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