Initiative sans limites…

Saint-Rémy, sur les bords de la Creuse, 500 habitants, mais beaucoup d'enfants. Milieu ouvrier et agricole, quatre classes dont trois pratiquent les techniques Freinet.

Du plus petit au plus grand, on fait des peintures, des tentures, des monotypes ; on dessine, on modèle, on émaille, on coud. Les techniques sont variées au maximum. Certains enfants s'essaient à toutes et c'est parfois un problème pour choisir.

Sur leur bloc sténo, les enfants crayonnent beaucoup, recherchent des formes harmonieuses. On ne jette pas les blocs remplis, des richesses s'y cachent au milieu de pages moins réussies.

Lorsqu'on a envie de peindre, on choisit ce qui plaît, aidé en cela par les camarades et le maître, mais on ne fait pas une copie du brouillon, l'inspiration viendra d'une page, parfois de plusieurs.

Parfois c'est l'envie de peindre, de faire une tenture, d'émailler, de dessiner aux fusains, aux encres, aux stylos feutres qui amènera l'enfant à donner la vie à des graphismes retrouvés.

Parfois, c'est la page de croquis que l'on voudrait voir magnifiée en peinture, en tenture, ou en table de céramique.

Les oeuvres nées ainsi sont les plus riches car elles n'ont comme limites que celles de la matière.

L'enfant crée, il imagine ce que fera le travail du feu, de ces superpositions d'émail, de ce mélange oxyde-émail, de ces taches d'oxyde de cuivre sur ce fond de manganèse. Il ignore les règles de ce métier. Sans contrainte, l'audace et le hasard l'amèneront à des réussites surprenantes.

Quarante-huit heures plus tard, quand on ouvrira le four, on saura si l'on a eu raison et l'on entendra :

« Touche comme c'est lisse !

- Regarde comme c'est joli le rouge sur l'oxyde de chrome !

- Tiens, y a des blancs, pourtant j'en avais mis partout.

- Oh, le jaune 224, oh, le rouge 37 57 !

- Regarde l'arbre avec les taches de ce manganèse !

- C'est dommage, le noir a débordé sur les yeux ».

Le modelage de l'argile posera à l'enfant le respect de la terre. Celle-ci remplie, il pourra monter ses colombins qui porteront pour toujours, l'empreinte de ses doigts, gravée dans les flans mous du vase.

Bien des occasions de décorer, d'illustrer c'est le journal, la lettre au correspondant, le livre de vie, les albums de la classe et surtout peut-être, les petits albums personnels que l'on fait en partant d'un simple texte libre qui par là devient beau.

Que nous reste-t-il à faire, nous les maîtres ? Nous effacer le plus possible, encourager les plus timides, veiller seulement à ne pas emprisonner l'imagination, en variant les moyens d'expression, en encourageant ceux qui apportent du nouveau, en favorisant un contact permanent entre tous les enfants, petits et grands (la consécration suprême est d'aller faire admirer ses oeuvres dans les autres classes).

On arrivera ainsi non pas à un esprit d'école, mais dans l'école à un esprit d'initiative, créant, aimant toutes formes d'inspiration et tous styles d'expression.

Toutes ces créations sont bien sûr d'une importance capitale pour connaître l'enfant mais si nous ne sommes pas assez qualifiés pour les interpréter, contentons-nous de les admirer et surtout d'en favoriser l'éclosion.

BERNARD MONTHUBERT

St-Rémy sur Creuse (Vienne)