Tours, I. et L. (M.Poisson)

Au Château

Les oeuvres maîtresses de notre Ecole Moderne dans le cadre grandiose du vieux château d'Annecy ont la présentation qui convient à leur valeur. Et Lurçat ne s'était point trompé quand il avait souhaité pour « la création du monde » la sobriété de ces vieilles pierres. Quelle vitalité, quel dynamisme et quelle richesse dans cette fresque ! Je ne l'avais pas vu, la veille dans la pâleur d'un jour terne sous lequel rien ne venait. Mais quand le panneau fut accroché, quand les projecteurs furent installés, tous les jaunes ont éclaté. Le calme petit dieu de soleil vibrait et toutes les bêtes se sont mises à vivre. Les poutres centenaires elle même se sont dorées. Quelle prodigalité ! C'est le don de l'enfance créatrice qui anime ces bêtes pleines de fantaisie mais jamais monstrueuses... C'est beau et saisissant. Bravo aux enfants artistes de l'Ecole Freinet !

Une sobre tapisserie de laine bouclée (maisons étroites et rouges) réchauffe la niche voûtée. Une autre, interprétation de manège, apporte la sobriété de la ligne simple - et des peintures de Liévin et St-Cado commencent à faire comprendre dès la première salle ce que le visiteur va trouver ici.

Dans la deuxième salle vibrent quelques belles tentures : une soie blanche qu'un tout petit a peinte attentif et sérieux, impressionné par cette matière somptueuse, nouvelle pour lui, qu'il ne faut point gâcher. Il a grimpé sur un escabeau et, d'un geste sûr, arrondi son soleil qui s'éclaira bientôt du sourire du bonheur pour veiller sur une petite fille et ses fleurs... Belle et exceptionnelle réussite d'un petit « galibot » de Liévin.

Et une lune, grande amie pâle dans la nuit… Un autre enfant a retrouvé le geste de Matisse traçant avec une craie fixée à un long bâton les lignes du dessin que son avant-bras seul n'aurait point réussi à faire aussi grand...

Et la théorie des dames aux longs cheveux peintes sur satin noir, sans bras, rappelant les statues d'un portail moyenâgeux, que l'entourage clair niche ainsi que dans des pierres.

La fresque des oiseaux magnifiques avec des bleus ! des bleus... du plus sourd au plus brillant.

   

« Tu es ce qui existe de meilleur au monde. C'est la couleur de toutes les couleurs, le plus bleu de tous les bleus... » dit Picasso. Poésie de la volubilité, les grands enfants s'en sont grisés.

Et là, de7 à 10 ans et de 10 à l4ans, nous pouvons constater que les peintures exposées, de tous les coins de France, sont la preuve que le hiatus n'existe point tant que l'enfant continue sur sa lancée, perfectionnant sa technique, c'est sûr, mais gardant toujours le même souci d'invention, la même joie de la création pour peu qu'un éducateur attentif et disponible continue d'accueillir ses oeuvres.

La dernière après-midi de Congrès, j'eus le plaisir de parler avec les normaliens belges et leur professeur. Ils m'ont demandé : « Et après 14 ans... que fait-on, dans les E.N., en France ? » Je souris mais ne pus affirmer que le même esprit de création libre soufflait jusque dans les Ecoles Normales.

- Mais en Belgique, chez nous... nous travaillons ainsi... Dans la salle de dessin, divers ateliers sont à notre disposition : peinture, monotypes, tapisserie, gravure, lino... etc. Chacun choisit son activité...

- Un sujet n'est point imposé ?

- Non non ! Chacun est libre d'interpréter ce qui l'inspire !

Monsieur le professeur m'a promis un envoi. Je l'attends, nous l'attendons avec impatience et espoir !

Jeanne Vrillon

Photo Jean Ribière

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