Chaque année, à la rentrée, j'ai du mal à rassembler ma classe, à l'entraîner dans l'aventure qu'est la création collective d'un conte, Les rêves des vacances, les souvenirs de liberté se heurtent contre la dure réalité scolaire.

En fait, au lieu d'une conversation, c'est plutôt d'un monologue qu'il s'agit. Chacun rapporte des impressions encore toutes neuves et tient à les communiquer, à les faire prévaloir sur celles des autres. Celui qui s'impose en parlant le plus fort et le plus abondamment n'est pas forcément celui qui a les plus jolies choses à raconter, celles qui d'emblée plaisent à tous. Il faut du temps pour que les sympathies se renouent, pour que l'atmosphère de la classe se fasse confiante et spontanée, dans un ensemble de réflexes suscités par un événement qui tient en haleine la majorité des enfants ou du moins les enfants les plus hardis qui savent influencer les autres.

Il faut savoir attendre.

Enfin, un après-midi comme les autres, Viviane raconte l'histoire d'un petit ourson qui ne croyait pas au loup. La forme en était si proche du conte adulte que j'ai cru un instant à un conte lu ou entendu.

- Si, si, c'est moi qui l'ai inventé, mais l'histoire n'est pas finie.

- Bon, nous allons t'aider.

Voilà Petit Ourson devenu héros de toute la classe. Cette fois les idées fusent. Pourquoi ? Peut-être parce que l'on est encore à l'âge où l'on dort avec le petit nounours en peluche, compagnon des nuits et des jeux fabuleux.

Peut-être que le méchant loup symbolise bien pour ces enfants la grande peur que les mamans imprudentes allument sans réfléchir. De toutes façons, l'intérêt du sujet centre l'attention de toute la classe.

- Pourquoi il ne croit pas au loup le petit ourson ? Mais le loup, ça existe !

- C'est peut-être son papa !

- Alors, le loup ne mangera pas le petit nounours, sinon, il serait un papa méchant.

- Oui, mais il y en a des papas méchants.

Nous avons pris notre temps pour laisser aller le petit ourson où bon lui semblait, Pour interroger les bêtes plus savantes que lui parce que déjà, elles connaissent le loup. Et chacun se comparant à lui, nous a transportés dans ce monde de fantaisie et de poésie insondable que l’on retrouve dans toutes les fables et dans tous les contes qui ont enchanté l'enfance au cours des âges.

Voici donc le conte du « Petit Ourson qui ne croyait pas au loup ».

  1. Arcier

Le petit ourson qui ne croyait pas au loup.

C'était un petit Ours, un petit Ourson beaucoup plus petit que le nounours de « Bonsoir les Petits », qui ne voulait pas croire au Loup.

- Gare au Loup ! si tu ne manges pas ta soupe ! C'est lui qui la mangera !

- Gare au Loup si tu n'obéis pas. C'est lui qui viendra te f aire obéir !

- Gare au Loup si tu t'en vas tout seul dans le bois ! C'est lui qui te prendra !

On lui faisait tellement peur avec ce Loup que le petit Ourson ne savait même pas s'il était son cousin ou son oncle ou son papa peut-être... Il aurait été content de le rencontrer.

Un matin, petit Ourson va se promener. C'est bien de s'en aller tout seul quand on n'a pas peur.

Pic !.. Pic !.. Pic !...

Petit Ourson lève la tête : c'est le Pic-Vert qui pique l'écorce d'un noyer.

- Dis‑moi, Pic-vert, est-ce que tu crois au Loup ?

- Oui, j'y crois. Il est mille fois plus gros que moi et je suis toujours sage, sinon il me mangera.

- Est-ce qu'il mange aussi les petits Oursons pas méchants ?

- Oh ! ça, je ne sais pas...

Un Lièvre aux longues oreilles sort d'une touffe d'herbe.

- Tu y crois, toi, au Loup, Lièvre - qui - court toujours ?

- Oh oui, j'y crois. Il a des pattes plus longues que les miennes. Et je ne fais pas de bêtises, sinon il me mangera.

Sur le chemin blanc, un Escargot glisse.

- Tu y crois, toi, Escargot, au Loup ?

- Oh ! oui, j'y crois. Il a des poils en couleur comme ma coquille. Mais je fais bien attention de n'être pas trop curieux, sinon il me mangera.

Faut y croire : le Loup existe.

Le Pic-Vert y croit.

Le Lièvre y croit.

L'Escargot y croit.

Eh ! bien, moi, « j'y crois pas » parce que je ne l'ai jamais vu. Et le petit Ourson s'en va dans la forêt.

On peut s'y perdre dans la forêt. Il y a beaucoup d'arbres qui cachent le soleil. Il y a des endroits aussi noirs que la cave à charbon.

- Je vais aller voir un peu ce qu'il y a dans ces trous noirs. Je suis curieux, moi, parce que je suis intelligent et courageux...

Tiens, justement, voilà deux petites lumières qui viennent de s'éclairer et qui brillent tout doucement comme une lampe dans la nuit : ce sont les yeux du Renard.

- Tu y crois au Loup, toi, Renard ?

 

- Oh ! oui, j'y crois. Il a un museau pointu comme moi. Mais je ne vais pas sur son chemin, sinon il me mangera.

Petit Ourson continue sa route. Il faut encore le chercher, ce Loup, pour le trouver.

Toc ! Un gland tombe sur le nez du petit Ourson : c'est l'Écureuil qui s'amuse là-haut, dans le grand chêne.

- Tu y crois, toi, au Loup, Écureuil ?

- Oh ! oui, j'y crois. Il a une queue touffue comme la mienne. Je ne lui lance pas de glands sur la tête, sinon il me mangera.

- Ça y est ! Le Loup existe : tout le monde le connaît. Il n'y que moi qui ne le connais pas.

Petit Ourson continue son chemin. Mais dans la clairière, tout coup, une grosse bête s'avance :

Elle est mille fois plus grosse que le Pic-Vert.

Elle a de longues pattes comme le Lièvre.

Elle a des poils couleur de l'Escargot.

Elle a un nez pointu comme le Renard.

Elle a une queue touffue comme l'Ecureuil...

Sans blague ! C'est le Loup ! On va faire celui qui ne le connaît pas...

- Vous y croyez, vous, au Loup ?

La grosse bête se met à rire...

- Si j'y crois ? Mais bien sûr que j'y crois. C'est moi le Loup.

Oh ! Lala ! qu'est-ce qu'il va arriver ?

Tout le contraire de ce qu'on croyait : Le Loup dit :

- Tu ne manges pas ta soupe ?

- Non, elle est trop épaisse.

- Tu fais bien, la soupe ce n'est pas pour les Loups. Tu n'obéis pas à ta Maman ?

- Non, elle me commande trop.

- Tu fais bien. Les petits Oursons comme toi, c'est fait pour jouer. Tu es curieux ?

- Oui, j'aime savoir toutes les choses du monde.

- Tu fais bien. Il faut être curieux pour apprendre à être savant, Tu t'en vas dans la forêt tout seul ?

- Oui, j'aime être courageux.

- Tu fais bien. Il ne faut jamais avoir peur.

Et le Loup prend le petit Ourson par le menton, il lui fait gueuli-gueuli pour le faire rire. Puis il dit :

- Je crois que tu es mon fils. En tout cas, tu es sûrement de ma famille. Alors, je vais t'emmener avec moi. Donne-moi la main.

Le petit Ourson était content, il sautait en marchant. Ce n'est qu'au bout d'un moment qu'il a dit :

Mais ma Maman, qu'est-ce qu'elle va dire ?

Ne t'en fais pas, c'est ma femme. Il n'y a que nous deux, elle et moi, dans cette forêt. C'est forcé...

ET VOILA LA FAMILLE RÉUNIE.

Classe Enfantine de TOURNEMIRE - AVEYRON

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