Ecole des Masnières - Nord

LIVRES ET REVUES

ARIEL

Revue des Arts, Lettres et Sciences en Israël

(Affaires Etrangères, Jérusalem)

Cette revue de haut standing est consacrée dans sa grande partie aux Arts et Lettres, et elle nous apporte une vue nouvelle et intéressante sur l'Art en général, et sur celui d'Israël en particulier.

La revue de juillet 1963 est consacrée surtout à des entretiens avec le peintre Mordekhai Ardon, qui précise sa pensée de peintre et de professeur d'Art sur les problèmes actuels d'expression.

Ces entretiens apportent un certain nombre de réponses à ceux qui s'interrogent sur l'élaboration mystérieuse du processus créatif, et à ce titre, il nous apparaît intéressant de les mettre à la portée des éducateurs lecteurs d'Art Enfantin à la recherche d'une meilleure initiation artistique.

Ardon précise que la peinture doit parler aux hommes, et qu'elle est avant tout un message par ses formes et ses couleurs.

L'écriture, sous-jacente à la peinture, ou surajoutée à celle-ci est un supplément et non une explication, car, dit-il : Je ne veux rien expliquer. Une peinture qui a besoin d'une explication n'est pas une bonne peinture, elle n'est pas achevée. Quand un Stravinsky écrit de la musique pour un psaume, ce n'est pas une explication.

Formes et couleurs sont, pour Ardon, mystérieuses, mais non symboliques. Elles sont plutôt magiques, sur un arrière-fond religieux, et leur but essentiel demeure de dévoiler ce qui est caché.

Mais ce fond religieux ne se réfère à aucun engagement moral à la manière traditionnelle. Religion signifie pour l'auteur : Ce pouvoir qui permet à la source de couler de bas en haut à travers les racines.

Pour commencer à peindre, il est nécessaire de s'entendre avec la raison, mais ce n'est pas assez. Cela doit surgir des profondeurs comme des eaux vives.

   

C'est cela probablement l'élément caché qu'Ardon essaie de déceler, sans vouloir ou pouvoir l'expliquer. Il ajoute : Je crains toujours d'expliquer les peintures, car je sais que l'explication vient toujours de la raison, elle ne touche pas au mystérieux élan.

Touchant le « symbolisme », il déclare :

Je sais que les gens pensent que je m'exprime par symboles. Ce n'est point exact, car je ne suis pas un symboliste. Le symbolisme est une explication extérieure. Je sais qu'il y a un bon art et qu'il y a de mauvaises choses qui ne sont pas de l'Art, qu'elles soient figuratives ou abstraites.

En tant que peintre, je dois créer mon dialogue avec tout ce qui m'entoure. Mon dialogue n'est pas philosophique. C'est un dialogue qui a pour dessein de créer des formes vivantes, Ce point de vue est celui qu'a exprimé Georges Braque avec une remarquable permanence.

En tant que peintre, je dois, dit-il encore, créer mon dialogue avec des couleurs, des figures, des formes. Il y a des choses que je comprends, et d'autres que je ne comprends pas, et j'utilise ces formes et ces couleurs comme clef pour pénétrer dans un univers caché, car je suis un peintre.

D'autres qui ne le sont pas, utilisent bien sûr d'autres clefs aux fins des mêmes pénétrations.

Quand on a cherché une entrée, quand on a trouvé une clef, quand on a essayé d'ouvrir la porte, que trouve-t-on derrière ?

La question n'est pas si simple, et c'est tout le drame de la vie. Je ne suis pas bien sûr qu'il y ait quelque chose de l'autre côté de la porte, mais je suis curieux de l'ouvrir, et il faut que je l'ouvre. L'acte qui consiste à « ouvrir la porte » est un acte dont j'ai besoin pour vivre, autrement j'ai le sentiment de fuir, de me rendre coupable de désertion.

Cette noble et belle constatation est celle que faisait déjà Denis de Rougemont dans son ouvrage remarquable : « L'aventure occidentale de l'homme condamné à la recherche éternelle ».

Pour la plupart des peintres, dit encore Ardon, comme ceux de Paris, de New York ou de Londres, la peinture, c'est couleur et forme. Pour eux ce n'est pas une clef, Ils n'ont besoin ni de porte, ni de clef... Je sens parfois que je suis un isolé. Ici, comme ailleurs, les artistes sont « agissants » ils vivent leur vie, ils ne se posent pas les questions que je me pose. Je suis un peu isolé, mais heureux d'être ici (en Israël).

Ecole de la Sône (Isère)

   

Ardon n'a pratiquement jamais exposé, et sa peinture figure seulement dans quelques grands musées, et quand on lui demande pourquoi il n'a jamais exposé, il répond : Comment le puis-je, je suis toujours en marche ! (au propre et surtout au figuré).

J'ai toujours peur de faire des expositions. J'ai été terriblement effrayé à Londres car je ne savais pas s' « ils » sentiraient toutes ces choses qui ont une valeur pour moi, car la peinture n'est pas le point final, mais une clef.

Quand je vois quelqu'un qui n'aime pas ma peinture, je ne suis pas malheureux parce qu'il ne l'aime pas, mais parce qu'il n'aime pas ce quelque chose qui est caché, sacré, que je n'ai pas pu atteindre, ou pu rendre clairement. Si j'ai réussi, ma peinture suscitera un dialogue entre le spectateur et ce qui est caché, Elle servira de clef. Sans le dialogue, sans la méditation, qu'est-ce que la peinture ?

C. Chaveau

   

LE JARDIN DES ARTS

Mensuel, 17, rue Rémy-Dumoncel, Paris – 14e

Abonnement : 4,50 f.

Nous avons dit déjà tout le bien que nous pensions de cette revue en égard à l'éducation artistique des milieux enseignants. Les numéros d'octobre et novembre restent fidèles à cet éclectisme qui vise toujours à faire de l'Art le grand événement de l'aventure humaine à travers les civilisations.

Le numéro d'octobre comporte, entre autres textes intéressants, deux études particulièrement attachantes : David, par André Maurois et un reportage émouvant de deux grands peintres russes, témoins lucides du tournant décisif de la musique et de la peinture au début du siècle il s'agit de Larinov et Goutchanova.

Le numéro de novembre nous donne en priorité une étude de Jean Paulhan : « Les nouvelles images » sur la peinture informelle. Le nom du critique dit assez l'intérêt de cet écrit.

Une très belle étude sur Mantegna, suivie d'une « esthétique industrielle » (Denis Huisman) donnent au lecteur une ouverture étonnante sur le rôle de l'art à travers le temps : l'art toujours changeant, toujours humain et qui indéfiniment signifie l'homme.

Les chroniques d'actualité sont toujours intéressantes à lire et nous renseignent sur les événements artistiques les plus marquants dans les expositions, l'édition, le monde musical, etc...

A. E.

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire