Bravo Freddo !

Paulette a demandé :

- Qui veut aller chercher des pommes à l’auberge ?

- Moi, a dit Freddo ; et il a pris les deux paniers, comme un homme.

C’est dehors qu’il a eu un peu de regret d’avoir dit oui.

Il s’est retrouvé tout seul dans la grande allée.

Il y avait la lune.

Tout autour dans la campagne, c’était le grand silence.

Freddo marchait en balançant ses deux paniers, un à chaque main.

Il était un peu triste.

Il ne savait pas bien pourquoi, mais dans sa poitrine, là où est le cœur, ça le serrait…

Un grand aurait bien pu aller chercher les pommes.

Lui, Freddo, il n’a que sept ans…

C’est loin l’auberge, et puis quand les paniers seront pleins de pommes, ils seront lourds à porter.

S’il osait, Fredo retournerait à la cuisine. Mais voilà, les autres diraient :

- Ah ! tu t’es dégonflé…

Tant pis, demain il mettra sur le journal mural :

« Je me félicité pas’que je suis allé chercher les pommes à l’auberge quand il y avait déjà la lune ».

C’est à ce moment où Freddo commençait à être un peu content qu’il a entendu un petit bruit dans l’herbe, sur le bord de la route.

Les paniers se sont mis à danser au bout de ses bras. Il avait froid dans le dos…

Par terre, devant lui, il regardait glisser son ombre. Elle tremblait et on aurait dit qu’elle avait peur elle aussi…

Oh !  !... Quelque chose qui saute dans le chemin…

Et puis, en haut des branches, quelque chose qui fait bouger les branches…

Freddo pose ses deux paniers par terre. Il voudrait bien pleurer fort, mais si on l’entendait ?

Il voudrait bien courir vers l’école, mais si on courait après lui ? Et si c’était quelqu’un qui courre plus vite que lui ?

On ne sait pas comment ça s’est fait, mais Freddo a repris ses paniers, un à chaque main. Ses cheveux se dressaient sur sa tête, ça se voyait à son ombre qui glissait à nouveau par terre.

Maintenant, il était presque à la maison de Madame Sadi. C’est juste la moitié du chemin.

Freddo se tranquillisait un peu : il regardait son ombre qui lui tenait compagnie.

Là-haut, la lune le voyait marcher tout seul. Savoir ce qu’elle pensait ? Elle était peut-être contente que Freddo aille tout seul à l’auberge.

Un bruit de moteur… Vite, sur le bord de la route sinon les phares vous aveuglent. L’auto passe à toute vitesse. Ça doit être l’auto de Giuge qui revient de la campagne.

- Et si je laissais les paniers sur la route ?

Je retournerai à l’école et j’irai me coucher sans rien dire… Oui, mais un homme voleur viendrait prendre les paniers. Demain, Paulette dirait :

- Freddo, où sont les paniers de pommes ?

Les paniers resteraient peut-être sur la route et des petites poulettes viendraient s’y mettre dedans bien au chaud. Elles pondent des œufs, puis elles s’en vont sans rien dire…

C’est là où Freddo a vu passer le renard… Il a lâché ses paniers et il a couru sur la route tant qu’il pouvait. Son ombre courait encore plus vite devant lui…

Alors il a entendu la lune qui disait :

- Ne cours pas si vite, nigaud ! Retourne voir tes paniers : tu vas avoir une surprise.

Et voilà la surprise : c’est des paniers pleins d’œufs…

C’est pas tout mais Freddo ne sait pas où il faut porter les paniers plein d’œufs. A l’école ou à l’auberge ?

- A l’auberge, va, dit la lune. Tu vois tu as toujours ton petit copain qui marche près de toi. Ça te fait une compagnie.

Et voilà, l’histoire reprend quand Freddo revient de l’Auberge avec ses paniers pleins de pommes. De belles pommes et toutes rouges.

Les œufs ? Il les a laissés à l’Aubergé, pardi…

Maman Freinet voulait donner sa lampe électrique à Freddo, mais il a dit :

- Pas besoin, il y a la lune.

Quand Freddo est arrivé à l’école tout le monde était couché. Ma parole ! Personne ne pensait plus à lui.

Il a pris la clé dans la poche du tablier de Cécile et il est allé porter ses paniers de pommes à la dépense.

Il en était sûr : si les pommes étaient restées au dortoir, « ils » les auraient toutes mangées.

Ecole Freinet – Classe de petits

Vence (A.M.)

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