Je n'aime pas les retours « en arrière ». Pourtant, puisque mon âge me donne le privilège redouté et peu enviable d'être témoin, inévitablement je me suis replongée dans la lecture du n°1 publié en décembre 1959.

Derrière chaque dessin, à travers tous les mots (beaucoup trop de mots dira-t-on plus tard...), j'ai revécu les longues hésitations, les interminables discussions qui avaient présidé à la parution de ce numéro un.

- Trop cher, disait Freinet.

- Indispensable, répondait Elise.

C'est l' « indispensable » qui l'emporta. Créé sans aucun moyen financier, mais porté par la seule détermination d'Elise Freinet, par sa farouche volonté, Art enfantin connut le jour et vécut et survécut à une époque où l' « art » ne s'adressait qu'à une élite et où il paraissait incongru de le faire jaillir du coeur des enfants du peuple.

Contre vents et marées, la revue a fait son chemin. Tranquillement, coléreusement aussi mais patiemment, inexorablement, le dessin d'enfant si décrié, si contesté a envahi les murs des écoles, les pages des journaux, les rues et même les panneaux publicitaires...

Récupération sans doute, mais qu'importe !

De congrès en congrès, d'expositions en expositions, de batailles en batailles, de discussions en discussions, le long cheminement souterrain des idées a poursuivi son évolution pour aboutir à un plus grand élargissement, à une maturité, à une prise de conscience sans cesse plus agissante, plus éclatante.

   

Témoignage de quelques écoles « privilégiées », Art enfantin est devenu l'éclatement, l'explosion de toutes les recherches, de tous les tâtonnements, de toutes les réalisations de l'enfant-responsable à la recherche de ses propres dimensions, de l'enfant-créateur à qui Freinet a donné la liberté de mettre ses mains au service de sa pensée et sa pensée au service de ses mains.

Alors que je terminais ce retour vers le passé, sans cesse accompagnée des images de Célestin et d'Elise Freinet, j’ai reçu les numéros 149-150 de L'Educateur : « Les ateliers d’expression artistique ».

Alors j’ai pensé que mon « baratin » était tout à fait inutile. Et j’en ai été très heureuse.

Heureuse de voir tout dit « tout dit » « tout abouti » et qu'il n'y  rien à ajouter.

Les jeunes de 1981, efficaces, précis, concis, libres, vous donnent la main, vous tracent le chemin et vous accueillent tous : « Ceux qui croient au beau et ceux qui n’y croient pas » , mais tous ceux qui sont à la recherche dimension.

Ne rompons donc pas la chaîne. Elise a fait naître Art enfantin. Elle l'a porté, l'a nourri longtemps. MEB y a consacré beaucoup de luttes, d'efforts, de découragements cachés souvent sous le masque de la bravade mais toujours déterminants pour la marche en avant.

Des centaines de maîtres anonymes y ont apporté leurs pierres, des milliers de mains d'enfants y ont laissé leurs empreintes.

Alors, bonne suite au numéro 100 !

Jacqueline BERTRAND (1981)

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